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Biographie

BIOGRAPHIE 

Mon père – Dr Roque Carbajo.


Mon père le Dr. Roque Carbajo, est né le 12 décembre 1910 à San Miguel de Allende, (état de Guanajuato), Mexique. Il était médecin et pratiquait dans sa ville natale et les villes avoisinantes (Celaya, Salvatierra, etc.) En 1947, il s’installe à la ville de Mexico, ouvre son cabinet de médecin et se marie avec Yemila Dergal, mexicaine, d’origine libanaise. De cette union naît Luis Carbajo qui fut très populaire auprès du peuple en tant que présentateur et producteur à travers ses programmes de télévision au canal 11.

Notre père, jouait du piano et un peu de guitare et son hobby était d’écrire de « boléros », (style de chanson très populaire de cette époque). 

En 1948, il participe à un concours et obtient le premier prix avec sa chanson « Hoja seca » qu’il a composé dans une taverne de Salvatierra lorsqu’il était médécin. Aujourd’hui elle porte le nom de la chanson et et les murs intérieurs sont décorés avec les paroles de sa chanson.
Elle deviendra un succès et sera par la suite enregistrée par des grands noms tel que Pedro Vargas, Javier Solís, Vicente Fernandez, Tito Rodriguez etc.

Le prix du concours fut une tournée en Amérique centrale d’une durée d’un mois. Pendant cette tournée, il fait la connaissance de la chanteuse mexicaine Irma Vila qui effectuait elle aussi des représentations en Amérique centrale avec son mariachi.

À la fin de cette tournée, Irma Vila propose à mon père de traverser l’Atlantique pour se rendre en Espagne afin de réaliser quelques spectacles. Il accepte et délaisse sa femme, mon frère et bien évidemment son cabinet de médecin. (Il ne retournera au Mexique que 25 ans plus tard, en 1970). 

Il arrive en Espagne et après quelques spectacles, il s’installe à Barcelone et fait la connaissance de Juana Masip, ma mère.

Du fait qu’elle chantait et dansait, Ils décident de former un duo du nom de “Dr. Roque Carbajo y Juanita” en interprètant le folklore mexicain.

Ils parcourent le Moyen-Orient. Après quelques tournées, ma mère étant enceinte ils partent pour la France et s’installent sur la Côte d’Azur. 

Nice, 26 août 1951, je vois le jour à l’Hopital St.Roch de Nice. 6 mois plus tard, mes parents se séparent. Ma mère se marie avec un monsieur suisse (elle n’était pas mariée à mon père) avec qui elle a eu un fils du nom de Enric. Durant toute sa vie, elle gardera cachée mon existence à Enric jusqu’à sa mort.
 En fin de compte, je ne connaitrai jamais la vraie histoire sur mes parents et je n’aurai pas connu ma mère!

MON ENFANCE
Suite à la séparation de mes parents. Mon père anxieux et craintif que ma mère veuille venir me récupérer (ce qui ne fut jamais le cas), se rend à Paris, et me déclare mexicain par sa paternité à l’ambassade du Mexique. J’apparais désormais sur son passeport étant donné que je suis d’âge mineur. D’ailleurs, voici une anecdote dont je me souviens encore aujourd’hui : À un moment donné, mon père avait laissé sur la table de notre chambre d’hôtel le passeport, il était sorti le temps d’aller faire une course et lorsqu’il est revenu, il a constaté que j’avais pris mes crayons de couleur et gribouillé toutes les pages du passeport. Il a dû en faire faire un nouveau. Ah ce qu’il n’était pas content!

Sur le certificat de nationalité mexicaine, mon père invente une histoire en mentionnant que ma mère est décédée dans un accident de la route et il se déclare veuf sur son statut civil. Étant donné que j’étais encore un enfant en bas âge, mon père me fait croire et ce jusqu’à mon adolescence, que ma mère était décédée.

Dès lors, je le suivrais partout dans ses périples. Les premières années furent constituées de tournées qu’il effectue avec des musiciens mexicains que mon père avait connu lors de son voyage avec Irma Vila ; Alfonso Castolo (violon), Leopoldo Villa (guitare) et Benito Camacho (guitarrón). Il se présentait sous le nom de : Dr. Roque Carbajo et le trio Mexico.

C’est sous ce nom qu’il enregistré le premier 33 tours de musique folklorique mexicaine en France, sous l’étiquette B.A.M (La boîte à musique). Sous cette même étiquette de disques que sortent 2 autres 33 tours avec les groupes qui tout comme mon père ont effectués les premiers pas de la musique de l’Amérique latino-américaine en France ; Los Guaranis dont les intégrants étaient Francisco Marin, Gerardo Servin, Angel Sanabria et Cristobal Cáceres et Los Incas dont les intégrants étaient Jorge Milchberg, Ricardo Galeazzi, Carlos Ben-Pott, Elio Rivero et Narciso Debourg. Les enregistrements s’effectuaient autour d’un seul micro et en une seule prise! 

À force d’être entouré de musique dès mon jeune âge, la guitare m’attire et un jour, mon père me surprend a faire sonner les cordes à vide de sa guitare. Se rendant compte de mon attirance pour le son, il cherche à m’acheter une guitare. Sauf qu’à cette époque les guitares plus petites (3/4 et 1/4) n’existaient pas. Il décide donc d’acheter un cavaquinho à un ami brésilien et commence à me montrer les accords de base. Au bout d’un mois, je maniais les accords sans problème et j’étais capable d’effectuer les cadences ( I -IV-V7-I ) sur les tonalités de Do, Sol, La, Mi et Ré. 

Entre temps, mon père et son trio voyagent en Grèce pour jouer à travers le contact d’un certain Mr. Ekonomides. Je me souviens qu’à Athènes connaît  une jeune femme avec qui mon père avait eu brève relation et qui me gardait dans la chambre d’hôtel le temps des représentations. Mon père attirait les femmes qu’il croisait ; elles s’attendrissaient de voir un musicien « veuf » élever tout seul son fils. Cela lui permettait « entre autres choses » de me faire garder. Mon souvenir reste vague quant à la raison d’un voyage effectué à l’île de Chypre ; nous avions pris un bateau à Patras et une terrible tempête nous a surpris pendant notre traversée. Mon père était dans la cabine malade et moi, libre et joyeux je me tenais avec les marins sans le moindre mal de mer. Tout ce dont je me souviens du séjour à Chypre, c’est qu’il y avait tous les soirs un couvre-feu. C’était durant le conflit entre britanniques et groupes chypriotes pour la décolonisation qui battait son plein. 

Après la Grèce, mon père continua ses spectacles avec son trio en Turquie et en Égypte.

C’est au Caire, qu’il proposa (une fois que leur contrat eut été terminé), de traverser le désert pour se rendre en Israël. Il prit des guides et nous traversâmes le désert en chameau tout les Rois Mages jusqu’en Israël. Arrivés en Israël nous nous installâmes à Jérusalem et mon père organisa mon baptême. Je fus baptisé dans le Jourdain.


Peu après mon baptême, les membres du trio décidèrent de partir chacun de son côté. Mon père décida d’aller au Liban, (considéré a cette époque comme la Côte d’Azur du Moyen-Orient). Il s’installa à Beyrouth où il connut un bijoutier libanais d’origine mexicaine (cela a dû sûrement lui rappeler son épouse Yemila qu’il avait laissée au Mexique) qui était propriétaire d’un restaurant/piano bar en plein milieu de la plage qui s’appelait « Acapulco ». Mon père se proposa pour y jouer du piano tous les soirs. C’était un endroit magnifique! Il loua une roulotte qu’il fit installer sur la plage et nous sommes restés quelques temps. Il composa une chanson intitulée « Acapulco » dédié à cet endroit.

Après le Liban, mon père décide de revenir à Paris où il fait la connaissance d’Enrico Grossi, chef d’orchestre originaire de Rome qui avait engagé de nombreux musiciens pour former un orchestre de musique salsa (Il était marié à une femme cubaine du nom de Ada). Mon père intègre la formation en tant que pianiste.

Nous étions à une époque très généreuse pour les musiciens, Paris débordait de cabarets qui engageaient 2 ou 3 orchestres pour un même soir et qui se reliaient tour à tour durant toute la soirée.

Ça été pour moi une période riche en découvertes à travers les membres de l’orchestre d’Enrico Grossi : José Riestra, contrebassiste cubain et sa femme Chiquita chanteuse, Angel Antonio Forero, guitariste colombien, Rudy Castel chanteur cubain, Pepe Nuñez trompettiste espagnol et beaucoup d’autres dont les noms m’échappent.

Nous sommes en 1957 et je me souviens très bien que les musiciens, tous azimuts, se retrouvaient une fois à la semaine à la Place de Clichy ; c’est là que se prenaient les décisions pour la formation des ensembles (trios, quartets, orchestres, etc.) et la désignation des endroits où allaient s’effectuer les shows.

J’avais 5 ou 6 ans et mon père m’emmenait tous les soirs avec lui dans les cabarets sauf si les patrons des boîtes de nuit (souvent des mafieux) le lui interdisaient ; les enfants ne pouvaient pas être présents et il suffisait qu’un inspecteur passe pour se faire remettre une contravention salée. Je restais donc dans les loges tout au long de la nuit au beau milieu des stripteaseuses, des musiciens, des transgenres et autres artistes car dans à cette époque, les cabarets présentaient toutes sortes d’attractions ( illusionnistes, acrobates, comiques, etc.). Dans les loges, tous m’aimaient bien et prenaient soin de moi. Je finissais par m’endormir au beau milieu du brouhaha, du va-et-vient des artistes, de la fumée et de l’alcool.

En 1958, mon père se lié d’amitié avec l’écrivaine mexicaine Berta Dominguez, mariée à Alexandre Salkind, producteur juif russe qui s’était exilé au Mexique avec son père, et qui par la suite s’est installé à Paris. Salkind a produit (entre autres) le film « Austerlitz » réalisé par Abel Gance. Berta Dominguez venait de terminer l’écriture d’une pièce de théâtre intitulée « La cathédrale de cendres » ; une histoire qui se déroule pendant la révolution du Mexique. Dans la pièce, il y avait un personnage du nom d’Absalon, l’enfant au cerf-volant. Le rôle devait être attribué à Pierre Spengler. Mais Pierre était blond et russe d’origine (son père Alexandre Spengler, compositeur, était un ami de la famille Salkind), Berta demanda à mon père si j’etais en mesure de tenir le rôle. Ce à quoi, il lui assura que non seulement j’en étais capable mais qu’en plus je pouvais jouer (avec mon cavaquinho) et chanter. La pièce fut dirigé par Abel Gance et dans les principaux rôles il avait Tania Balachova, Tony Taffin, Gianni Esposito, Antoine Balpetré etc. La première représentation eut lieu au Théâtre de l’Alliance Française, situé sur le Bd. Raspail. Ce fut mes débuts sur une scène!

Par la suite, mon père continua à jouer à Paris, notamment au cabaret « La romance » situé au Quartier latin, plus précisément sur la rue Monsieur le Prince. C’est à cet endroit que j’ai rencontré pour la première fois un ami de mon père; le chanteur paraguayen Luis Alberto del Paraná. Luis Alberto enregistra plus tard « Estoy llorando », une chanson de mon père. C’était une personne qui avait beaucoup d’affection pour moi.

Étant donné que je commençais à être en âge d’aller à l’école, mon père n’a eu d’autre choix que de m’inscrire au primaire. C’était à l’école communale pour garçons située au 6, rue Vaugirard.

Ce fut mes premières expériences avec des enfants de mon âge, loin de la vie nocturne des adultes, mais je n’y suis pas resté longtemps puisque l’école dépendait la durée des contrats de mon père.                      

Sur la même rue, il y avait une autre boîte de nuit. Celle-ci regroupait tous les musiciens latino-américains de Paris. Elle s’appelait « L’escale ». C’est à cette endroit que je connu la plupart des musiciens avec lesquels je jouerai bien des années plus tard. C’est notamment à cet endroit que j’ai connu un musicien paraguayen qui avait vécu longtemps au Brésil (Nicolas Perez Gonzalez). Il m’a captivé car il chantait et s’accompagnait à la guitare avec une harmonie jazzistique (je découvrais la musique de Dorival Caymmi!) et cela m’a beaucoup marqué. 

L’été, mon père descendait s’établir sur la Côte d’Azur. Tout d’abord à Nice ou à un moment donné il commence à être à court d’argent et éprouve de la difficulté à trouver des endroits dans lesquels jouer. Il commence par aller voir un certain Mr. Fracassi un prêteur sur gage. Mon père avait une montre en or et c’est elle qui nous a sauvé maintes fois ; dès qu’il avait gagné de l’argent, il s’empressait d’aller la récupérer. J’ai en ma possession cette fameuse montre dont il m’a fait cadeau 5 ans avant son décès.

Nous sommes en 1961 et c’est un moment où je suis devenu cinéphile malgré moi. Mon père voulait absolument se faire des sous et il commença a aller jouer au casino dans l’espoir de gagner.

Bien évidemment, il ne gagnait presque jamais. Il s’absentait pendant une bonne partie de la journée et me laissait au cinéma. À cette époque, on y présentait les informations, un dessin animé et le film. On pouvait rester dans la salle et revoir le tout jusqu’à la fermeture du cinéma. C’est comme ça que je suis devenu cinéphile amateur.

À cette même période, mon père se fait des amis ;  Vera Caprani et Mario Naldi ( elle chanteuse et lui excellent musicien). Vera chantait merveilleusement bien, avec une expression propre à elle, unique! Ils tenaient un restaurant dans le vieux Nice qui s’appelait « Le Tabor ».

Il y avait aussi un guitariste d’origine italienne avec qui j’entretenais de très beaux rapports ; Attilio « Nino » Fiorelli. C’est lui qui m’a fait connaître les valses d’Antonio Lauro. Il les jouait à merveille! C’est également à travers cette ami que mon père m’acheta une guitare 3/4 d’occasion construite au Mexique.

Par la suite, nous avons habité à divers endroits de la Côte d’Azur: Cannes, mon père m’avait inscrit à une école primaire qui se trouvait pas loin du Casino le Palm-Beach. Nous habitions près du port dans une auberge ou logeaient d’autres musiciens que nous connaissions et chaque matin, lorsque mon père rentrait après avoir joué toute la nuit, il se couchait et moi je partais seul et traversait toute la Croisette à travers la plage jusqu’à l’école. Un jour, mon père me laissa sur la plage à côté du casino, il devait être 2 heures de l’après-midi. Il partit jouer au casino dont l’entrée se trouvait tout près en me promettant qu’il ne tarderait pas. Il était 19h, plus personne d’autre que moi sur la plage et la noirceur qui s’installait. Je pris la décision d’aller voir le portier du casino et je lui explique que mon père était à l’intérieur et que je voulais prendre un taxi pour rentrer à l’auberge. Il a appelé le taxi qui m’a emmené à l’auberge (j’avais mémorisé l’adresse). En arrivant, je demandé au taxi d’attendre le temps de monter et demander à l’un de nos amis musiciens de venir payer le taxiste. Peu de temps après, lorsque mon père sortit du casino et qu’il constata que je n’étais plus sur la plage, il fut pris de panique. Heureusement, le portier lui mentionne que j’étais rentré en taxi. Au moment où il arriva à l’auberge et que nos amis musiciens virent la colère en lui, ils s’interposèrent et c’est ce qui m’évita de recevoir un raclée monumentale. Cet événement aurait dû le faire réfléchir quant à ses longues visites dans les casinos. Mais il n’en fut rien. À une autre reprise, il me laissa toute une journée dans le parc qui était situé en face du casino de Nice, place Masséna.

Mes périodes scolaires ont été brèves et variées géographiquement parlant. Elles s’interrompaient lorsque les contrats de mon père s’achevaient. Je changeais alors d’endroit et d’école . Les écoles dont je me souviens étaient situées à Villeneuve-Loubet (nous habitions près de Biot, à l’Auberge du faisan doré qui était situé sur le bord de la route Nationale 7). et quelques autres écoles situées sur la Riviera italienne.

En fait, j’ai appris sur le tas les principales matières enseignées au primaire.

Mon enfance s’est déroulée dans la solitude et entouré d’adultes (Il n’y avait pas moyen de me faire des amis de mon âge sur une longue période). En contrepartie, cela m’a donné un vécu qu’aucun établissement pédagogique ne peut  enseigner et des expériences qu’aucun livre théorique nous offre.

Parallèlement à mes incursions scolaires, mon père commença à m’apprendre les chansons du folklore mexicain et étant donné que j’avais déjà ma guitare 3/4 nous avons monté un répertoire afin de pouvoir se produire. Nous avons joué dans la totalité ds casinos de la Côte d’Azur (de Cannes à Monte-Carlo) et sur la Riviera italienne (de Vintimille à Gènes).

Concernant la Ligurie, il y a une anecdote que je n’ai jamais oublié. Un ami italien de mon père qui habitait à Santa Margheriita Ligure me fit cadeau d’une petite chienne du nom de « Dolly ». Mon père était hésitant d’accepter car nous étions constamment en déplacement. Il finit par accepter et nous continuâmes nos représentations sur côte méditerranéenne de l’Italie. Au fur et à mesure que le temps avançait nous nous sommes aperçus que Dolly grossissait. Nous avons fini par comprendre que la chienne qui nous avait été offerte attendait une portée. Au moment de mettre à bas, mon père s’est débrouillé de louer un appartement plutôt qu’une chambre d’hôtel, le temps que naissent les chiots. Finalement, nous nous sommes retrouvés avec 5 chiots! Une fois qu’ils étaient capables de se déplacer, nous les emmenions avec nous et dans les endroits où nous logions, nous attendions la nuit pour descendre toute la manne pour les faire promener et prendre l’air. Devant ce problème grandissant, mon père décida de faire un bref retour sur la Côte d’Azur. Il prit un chiot à la fois et attendait pas loin de la porte d’un casino et des que des gens bien nantis sortaient, il s’approchait d’eux et mentionnait qu’il venait de trouver ce petit chien abandonné, La première réaction était « Oh comme il est mignon… de fil en aiguille les gens adoptaient le chiot. C’est ainsi que mon père se départit de tous les chiens dans les casinos de Cannes, Juan-les-Pins et Monte-Carlo.

Certains endroits sont restés dans ma mémoire, comme par exemple Le haut de Cagnes-sur-Mer. Sur la place du Château, il y avait un endroit où les gens riches et célèbres allaient écouter de la chanson française; c’était « Chez Suzy Solidor ». Cette chanteuse qui avait eu ses jours de gloire avait fait l’acquisition de ce petit endroit, décoré avec les innombrables portraits que des peintres de renommée avaient fait d’elle et lui avaient offert. Elle y chantait tous les soirs, interprétant Ferré, Aragon, etc. Et nous!!! comme un cheveu dans la soupe, nous faisions nos 3 ou 4 chansons tous les soirs costumés en mexicains de la tête au pieds. Une chose m’avait marqué chez Solidor, c’était son exigence envers ses clients de garder un silence complet pendant les tours de chant. Un soir, une table de clients qui consommaient du champagne à profusion, se mirent à parler pendant qu’elle interprétait une de ses chansons. Elle arrêta d’un coup sec et les interpella tout en disant à la caissière « Leurs consommations sont à ma charge, messieurs dames, veuillez quitter la salle sur le champ, Les clients visés n’eurent d’autre choix que de déguerpir. Suzy Solidor!

De Cagnes-sur-Mer, nous nous sommes installés à Villefranche-sur-Mer où nous avons eu un contrat dans une boîte de nuit ; Le « Tiki club ». Villefranche était une toute petite ville tranquille d’environ 5000 habitants (à cette époque), avec sa chapelle St-Pierre entièrement décorée par Jean Cocteau. Mais sur cette petite baie accostaient de temps en temps un porte-avions et des destroyers américains et lorsque les marines étaient là et qu’ils descendaient à terre en permission ( ils étaient des centaines), la ville changeait complètement! les bars et les boites de nuit affichaient en anglais «  Welcome marines! », « Floor show! », etc. Les dollars coulaient à flot et la ville s’enrichissait.

Pendant les temps creux lorsque les américains n’étaient pas là, mon père et moi allions jouer souvent en Italie. Un des souvenirs qui m’avait marqué, c’étaient les salles de cinéma; les films étaient projetés en 2 temps (primo tempo, secondo tempo) et pendant l’entracte, ce sont des attractions qui étaient présentées sur la scène (illusionnistes, acrobates, clowns, etc.) … et nous ; le père et le fils, chantant le folklore mexicain. Bien entendu vêtus comme les « charros », nous n’étions définitivement pas à notre place. Mais ce qui m’avait fasciné (c’était dans un cinéma de San Remo) ; avant d’entrer sur scène, nous attendions la fin premier temps du film.

Derrière l’énorme écran, je voyais le film à l’envers. Ils projetaient «High noon» (Le train sifflera trois fois) de Fred Zinnemann. À force d’aller si souvent jouer en Italie, l’italien est devenu ma troisième langue maternelle. Nous avons joué à Milan, Venise, Naples, Rome et bien sûr toute la Ligurie.

MON ADOLESCENCE

Vers la fin de l’année 1963, nous rentrâmes à Paris et mon père décide de créer un spectacle sous le titre « La fiesta » ; musique et danse de l’Amérique latine. Pour ce faire, il envoie une proposition à une agence située à Zagreb (Croatie), l’agence est esthousiaste et accepte en lui donnant des dates à travers l’envoi d’un  télégramme ; pas de contrat! Uniquement un télégramme de confirmation. Mon père commence à recruter les musiciens. Ils étaient une quinzaine; Angel Sanabria (qui avait fait partie du groupe Los guaranis), Facio Santillan, Marga Yergo, Arturo Salazar, Dahlia, Nito Rojas, Ada Valiente, Pedro Leguizamon, Polo Rojas, etc.  Mais peu de temps avant le départ, mon père reçoit un télégramme mentionnant que les dates sont annulées. Mon père ne tient pas compte du télégramme et ne mentionne absolument rien à aucun des musiciens. Nous partîmes quand même, 5 voitures en tout, traversant toute l’Italie jusqu’à la frontière avec la Yougoslavie.

En arrivant à Zagreb, l’agence est surprise de voir arriver 15 personnes prêtes à effectuer les représentations. Sur ce, mon père mentionne ne jamais avoir reçu de télégramme d’annulation et l’agence n’a pas eue d’autre option que de nous faire jouer tel que prévu. C’est ainsi que débutèrent nos spectacles dans les pays de l’Est en pleine période de guerre froide. La Yougoslavie était le pays le seul pays non aligné des pays de l’Est ; Le maréchal Josip Broz Tito qui gouvernait à cette époque, avait refusé l’aide de russes pour contrer les forces allemandes et cela faisait de la Yougoslavie un pays plus libéral par rapport à tous les autres pays. Nous avons effectué des spectacles dans toutes les grandes villes, du nord au sud. Mais je n’ai jamais oublié la ville de Zagreb dans laquelle je me suis fait des amis. Lors de la première représentation dans un théâtre dont j’ai oublié le nom qui était situé sur Ilica (une des rues les plus anciennes et les plus longues de Zagreb),lors de la première représentation,  commencions au lever du rideau  tous sur scène en interprétant la chanson Las mañanitas. Quelle fut notre surprise lorsque nous entamons les premières notes de la chanson ; le public se met debout, applaudit et crie de joie. Après la représentation, on nous explique par la que les films mexicains étaient très présents dans toutes les salles de cinéma et que cette chanson était très populaire grâce au film “El aguila negra“.

Le suivant pays que nous avons parcouru est la Roumanie ; le seul pays dont la langue roumaine est étroitement liée aux langues latines. Nous nous sommes sentis un peu chez nous parce qu’on pouvait dialoguer facilement avec le peuple roumain et nous avons su grâce aux musiciens que nous avons rencontré à quel point le pays vivait une dictature ; une chasse aux sorcières à tous les dissidents du régime en place ainsi qu’à tout le peuple tzigane. La Roumanie était sous le régime de Nicolae Ceaușescu!

En ce qui a trait au côté culinaire, j’ai découvert qu’un des plats traditionnels était la Mamaliga (l’équivalent de la polenta italienne). Nous avons parcouru les grandes villes : Mamaïa, Constanța, Brașov, Ploiești etc.

Lorsque nous avons joué à Bucarest, quelle n’a pas été notre surprise que de retrouver Luis Alberto del Paraná! Lui aussi effectuait une tournée avec son ensemble.

De la Roumanie, nous sommes allés jouer en Russie, il n’y avait qu’une seule agence qui gérait les contrats à cette époque, c’était Gosconcert. Le pays ne permettait pas aux artistes étrangers de se produire au-delà de 3 mois. Nous fûmes une exception; on nous permit de continuer les spectacles 3 mois de plus. Nous avons joué à Erevan (Arménie), à Tashkent (Ouzbékistan) ou j’ai vécu mon premier tremblement de terre, à Baku ( Azerbaïdjan), à Tbilissi (Géorgie), Moscou et Leningrad (aujourd’hui St- Petersbourg).

À Moscou, après une de nos représentations, un musicien de l’orchestre du théâtre Bolchoï est venu me rencontrer dans les loges pour me féliciter. Il parlait un bon français et me dit qu’il aimait ma manière de jouer et qu’à part son instrument (il était clarinettiste), il adorait la guitare. Il me demanda si je savais lire la musique, étant donné ma formation auditive, je lui répondis que non. Il se proposa de venir me rencontrer à l’hôtel ou l’on logeait et qu’il apporterait sa guitare. Le jour suivant, il se présenta comme prévu et me proposa de m’enseigner une pièce pour guitare du répertoire classique. En une après-midi, j’appris la pièce par cœur. Il s’agissait de “Recuerdos de l’Alhambra” de Francisco Tarrega. J’avais 13 ans et ce fut mon premier contact avec la musique classique du répertoire guitaristique.

Après la tournée en Russie, chaque membre du spectacle « La fiesta » entreprit sa propre route. Mon père se retrouve avec une somme faramineuse de roubles. À cette époque, la Russie ne permettait pas de quitter le pays avec de l’argent local et n’échangeait pas les devise locale en devises étrangères. Il a du acheter toutes sortes de choses (camera 8mm, appareil photo, tapis etc.) Avec tous ces achats obligés et ajouté à cela, tous les costumes que mon père avait acheté pour le spectacle et qu’il récupéra à la fin de la tournée, nous nous sommes retrouvés avec un bagage titanesque. Avant le départ pour la Yougoslavie, mon père avait acheté une Citroën ID d’occasion et c’est avec elle que nous avons effectué toutes les tournées. La voiture était remplie de bagages et nous sommes dirigés vers la Pologne. La première ville fut Cracovie et ensuite Varsovie, Gdansk et bien d’autres villes. Nous arrivions dans les villes et nous nous proposions comme attraction. Lorsque nous sommes arrivés à la ville de Katowice, il avait un groupe de tziganes polonais qui effectuait une tournée. C’était l’ensemble Roma. Il était composé de musiciens, chanteurs et danseurs… tous de la même famille. Il jouaient et dansaient magnifiquement.

Après la tournée en Russie, chaque membre du spectacle « La fiesta » entreprit sa propre route. Mon père se retrouve avec une somme faramineuse de roubles. À cette période, la Russie ne permettait pas de quitter le pays avec de l’argent local et n’échangeait pas les devises étrangères. Il a du acheter toutes sortes de choses (camera 8mm, appareil photo, tapis etc.) Avec tous ces achats obligés et rajouté à ça, tous les costumes que mon père avait acheté pour le spectacle et qu’il récupéra à la fin de la tournée, nous nous sommes retrouvés avec un bagage titanesque. Avant le départ pour la Yougoslavie, mon père avait acheté une Citroën ID d’occasion et c’est avec elle que nous avons effectué toutes les tournées. La voiture était remplie de bagages et nous sommes dirigés vers la Pologne. La première ville fut Cracovie et ensuite Varsovie, Gdansk et bien d’autres villes. En fait, nous arrivions dans les villes et nous nous proposions comme attraction. Lorsque nous sommes arrivés à la ville de Katowice, il avait un groupe de tziganes polonais qui effectuait une tournée. C’était l’ensemble Roma. Il était composé de musiciens, chanteurs et danseurs… tous de la même famille. Il jouaient et dansaient magnifiquement.
Mon père est allé rencontrer le directeur de l’ensemble et lui dit que nous aussi étions de tziganes…. « Des tziganes du Mexique!!! ». Et aussi incroyable que cela puisse paraître, il nous ontpris dans leur troupe et nous avons effectué 3 mois de tournée sur tout le territoire polonais. Je dois mentionner qu’à force de côtoyer les gens de chacun de ces pays, j’étais capable de parler couramment les langues suivantes: yougoslave, polonais, roumain, bulgare et russe. Aujourd’hui, il ne me reste aujourd’hui que quelques bribes de chacune d’entre elles.

De la Pologne, nous avons été jouer en Bulgarie.  À Sofia, ous avons un musicien bulgare dont je ne me souviens malheureusement pas de son nom. C’était un fanatique des trios mexicains des boleros (Los panchos, Los 3 ases, Los 3 reyes etc.). Il s’était construit un requinto (guitare de petite taille qui s’accorde une 5te plus haut que la guitare. Étant donné que par sa tessiture son volume est mis en avant, sa fonction consiste à jouer les introductions et les fioritures des boléros). Il connaissait par cœur toutes les chansons et les jouait. Mon père avait gardé un guitarrón ( la basse des mariachis) et lui proposa de lui montrer comment en jouer. Ce qu’il fit en un rien de temps et nous fîmes une mini tournée avec lui (Plovdiv, Varna, etc). Lorsque nous jouions dans les boîtes de nuit des grands hôtels, on le faisait passer pour un mexicain. Comme il ne parlait pas un mot d’espagnol, lorsque nous mangions au restaurant et que les serveurs s’approchaient pour prendre notre commande et nous servir, nous parlions entre nous en espagnol en utilisant des textes de chansons. C’était très amusant. En passant, j’adorais manger une spécialité bulgare : le Kashkaval pané!

Après la Bulgarie, nous sommes retournés en Roumanie, à Sighișoara (Transylvanie). Nous avons joué dans un hôtel avec une boîte de nuit et le bassiste de l’orchestre nous invita un jour à aller chez lui. Il avait un grand magnétophone Telefunken (rarissime à cette époque dans les pays de l’Est). Il avait des enregistrements de toutes sortes. En autres, j’écoutais pour la première fois le fameux disque avec “Getz/Gilberto” Joâo et Astrud Gilberto, Antonio Carlos Jobim et Stan Getz. C’est resté gravé en moi durant toute ma vie!

Lorsque nous avons terminé le contrat à l’hôtel de Sighișoara, mon père est informé que l’ambassadeur de l’Uruguay en poste à Bucarest qui était une de ses connaissances à Bucarest termine son mandat et rentre avec sa famille en voiture jusqu’à Paris. Sur ce, il lui demande s’il y a une place pour moi dans sa voiture. L’ambassadeur accepte et me voilà sur la route vers Paris. Mon père est resté afin de vendre tout le matériel du spectacle, les objets achetés en Russie et la Citroën. Il rentra à Paris en avion avant moi. Entre temps, ce fut une belle balade en voiture avec l’ambassadeur et sa famille. Nous nous arrêtâmes pour dormir à Budapest et nous avons dîné dans un restaurant en écoutant des musiciens jouer de la musique tzigane hongroise; Quelle magnifique musique, pleine de vie! J’ai pu voir de près jouer du cymbalum. Le dernier arrêt s’effectua à Vienne. Et puis Paris. 

Dès que j’ai rejoint mon père à Paris, nous sommes partis pour Cannes. Mon père avait signé un contrat pour jouer tous les soirs à « La chunga », une boite de nuit située à l’époque sur le boulevard de La Croisette, à côté de l’hôtel Martinez.
Le mois suivant s’amorçait le MIDEM  (Marché international du disque et de l’édition musicale) ; le plus grand rassemblement au monde d’entreprises travaillant dans le secteur de la musique. Après les représentations qui se tenaient au Palais des festivals, la plupart des vedettes et directeurs de compagnies de disques allaient boire dans les clubs jusqu’à l’aube. La chunga était l’un des clubs les plus prisés.
Mon père et moi jouions tous les soirs notre répertoire latino-américain.

Un soir, Eddie Barclay vient au club avec des amis. Mon père toujours en quête d’opportunités, s’approche de Barclay et lui mentionne que j’écris des chansons en français ( j’avais écrit , sans aucun but précis, juste pour le plaisir, une dizaine de chansons pendant les tournées dans les pays de l’Est).
Barclay lui demande de lui en présenter  quelques-unes. Je n’étais pas très content de chanter ces chansons en public, d’autant plus que mon père ne m’avait même pas demandé mon avis. Je m’assois à la table de Barclay et je chante 2 chansons et  il mentionne à mon père d’aller le retrouver à son hôtel le lendemain. Le jour suivant nous nous rendons à la terrasse de l’hôtel Carlton et Barclay nous attend avec un contrat d’exclusivité à signer pour que j’enregistrer un 45 tours. Mon père est ravi, moi pas du tout!!! je ne me sentais pas bien dans ce rôle de vedettariat et encore moins de chanter tout seul en français. J’ai toujours été un musicien et heureux de l’être ; Je n’étais pas du tout dans mon élément!

À la fin du mois, nous plions bagage et rentrons à Paris. La compagnie de disques me désigne un directeur artistique (Rikki Stein) qui m’emmène chez un tailleur pour me faire des habits de scène (l’horreur !!! … entre autre 2 costumes en velours tapé ; cintré, couleur rouge bordeaux.) Je me sentais comme un clown! De plus, il mentionne à mon père que Roque Carbajo n’est pas un nom commercial. Il décide que mon pseudonyme sera Manuel Cabaro. Je n’étais plus moi-même.

En prévision de l’enregistrement, on me désigne un arrangeur, un chef d’orchestre qui était engagé de façon quasi permanente chez Barclay. Je me rends chez lui, il met une enregistreuse cassette en marche et me demande de lui chanter chacune des 4 chansons choisies. Plus tard, il effectue les arrangements en se basant sur mon accompagnement à la guitare qui était somme toute de bon goût et l’adapte à l’orchestre. L’arrangeur s’appelait Jean-Claude Petit.

Une fois que le disque sort, on m’envoie le promouvoir et je participe à de nombreuses émissions de radio. Étant donné que je n’aimais pas ce que je faisais et que je ne me sentais pas à ma place, cela se projetait sur mes interprétations. Lors d’un passage dans une émission en public de Philippe Bouvard, tout de suite après avoir fini ma chanson, il mentionne au public « Il va devenir célèbre à l’âge de Maurice Chevalier! ».

On me fait faire une mini tournée avec d’autres artistes dont l’auteur compositeur interprète Claude Reva avec qui je deviens ami.

Bien évidemment, avec tout ça, il fallait bien générer des revenus ; Mon père et moi reprenons nos activités et on prend entente pour jouer tous les soirs à « Los faroles « , un bar restaurant situé dans le 11ème arrondissement. J’ai 18 ans et parallèlement au travail avec mon père, d’autres musiciens qui me connaissaient déjà et qui savaient que je maniait tout le répertoire latino-américain par cœur ont commencé à m’engager pour des événements d’un jour.

Nous sommes à la fin de l’année 1970 et mon père apprend le décès de sa sœur. C’est elle qui s’occupait de ma grand-mère paternelle. Étant donné qu’il n’y à plus personne pour prendre soin d’elle. Mon père prend la décision de partir pour le Mexique. Il achète un millier d’exemplaires de mon 45 tours et promet que lorsque j’irais le rejoindre, il aura déjà fait une promotion et déjà trouvé des engagements afin que je puisse chanter mes chansons en tant que vedette… Encore une fois!!!

Entre temps, après avoir été sous la tutelle rigide de mon père depuis mon enfance. Voilà que la porte de la liberté s’ouvre à moi. De plus en plus de groupes musicaux font appel à moi pour des tournées et d’autres événements.

Je commence à jouer dans les boîtes de musique latino-américaine telles que L’escale, Le Rancho guarani, etc. Je partage la scène avec des musiciens tels que: Virgilio Rojas, Angel Sanabria, Otto Palma, etc. Aussi, je me lie d’amitié avec Martin Torres, Eduardo Calvo, Raúl Maldonado avec lesquels je passe de nombreuses nuits à jouer jusqu’à l’aube pour le simple plaisir de partager. J’effectue des tournées et des enregistrements avec divers ensembles de musique sud-américaine.

Parallèlement à mon activité de musicien, je décide de prendre des cours de guitare classique afin de comprendre la technique guitaristique et améliorer mon son.

Je m’inscris à l’Académie de guitare qui était administrée par Gilbert Imbar. Je devient l’élève d’ Antonio Membrado qui donnait des cours sporadiquement à l’Académie.

Le Maestro Membrado fut d’une gentillesse inouïe! Il a toute de suite compris que je prenais ses cours pour mieux comprendre la guitare mais sans aucune prétention de devenir concertiste. D’autant plus que je devais travailler pour gagner mon pain et payer mon loyer ( je n’étais plus sous la protection financière de mon père). Je remercierai toujours Antonio Membrado pour son indulgence et son acceptation de me donner des cours entrecoupés par d’absences dues au travail.  

À cette même période, mon ami Claude Reva m’appelle et me demande si je veux partager avec lui la tâche d’écrire de la musique pour un documentaire. Le documentaire fut réalisé par Robert Bozzi et s’intitule Les immigrés en France – Le logement. 40 ans plus tard, je reprenais la musique du documentaire en l’adaptant pour 2 guitares sous le titre « Les immigrants ».

LE MEXIQUE

Au milieu de l’année 1971, mon père m’écrit pour me demander de le rejoindre au Mexique, qu’il a des contrats et des émissions de télévision déjà prévus pour moi en tant qu’auteur, compositeur et interprète et que je suis attendu par toute ma famille (ma famille libanaise). Le jour ou je suis arrivée mon atterrissage à la ville de Mexico, au moins 100 personnes m’attendaient à l’aéroport. C’était impressionnant et bouleversant en même temps. Mon père instantanément commença à me présenter chacune des personnes (oncles, tantes, cousins, cousines), mon frère Luis, son épouse Josefina et mes 2 neveux Josefina et Luis Antonio et Yemila, l’épouse de mon père. c’est à ce moment que j’apprends que Yemila qu’il m’avait mentionné depuis toujours comme étant ma tante et qui était en réalité ma belle-mère. Ce fut une très longue journée pleine de turbulences dans ma tête… il m’était impossible de retenir tous les noms de chacune et chacun et cela m’a gêné durant un certain temps. Pour revenir sur sa femme Yemila ; peu de temps après l’avoir connue et côtoyé, j’ai découvert en elle un être rempli d’amour, toujours prête à accueillir. Elle ne disait jamais du mal de personne… une sainte! Je lui garde une grande affection et une énorme admiration pour son attitude envers la vie ; mon père l’ayant délaissée avec 1 enfant, 25 ans plus tard, alors qu’il décide de retourner au Mexique pour s’occuper de sa mère, elle l’accueille à bras ouverts et accepte de vivre à nouveau avec lui et sa mère sous aucune condition. En 25 ans, elle ne s’était jamais remarié et n’a jamais eue aucune relation avec un autre homme. Elle a été et restera la maman que j’espérais avoir depuis toujours.

Les semaines qui suivirent furent remplies d’invitations dans chaque maison de la parenté libanaise. Tout le monde m’accueillit avec une grande générosité (en même temps, j’étais la curiosité du moment…le petit français!!!).

Entre temps mon père, avait déjà organisé quelques émissions de de télévision et un spectacle au Centre libanais de la ville de Mexico. Je continuais à ne pas me sentir à ma place en jouant ce rôle de pseudo vedette, mais j’ai dû assurer. Au bout d’un mois, l’ambassade de France  ne retrace et appelle chez mon père et me convoque. Je me rends à l’Ambassade et on m’annonce qu’étant donné que je suis né sur la terre française et que je suis sur le point d’avoir 21 ans, je suis dans l’obligation d’effectuer mon service militaire. À l’époque, c’était 18 mois de caserne ferme. Il n’était pas question pour moi de laisser la guitare pour un fusil. À mon plus grand regret, j’ai du renoncer à la nationalité française ; c’était le prix à payer!

Après 2 mois de séjour au Mexique, je suis retourné en France afin d’honorer les tournées qui étaient déjà prévues avant mon départ pour le Mexique. Après 4 mois de tournées, je suis retourné au Mexique. La mauvaise surprise que j’ai eu en arrivant c’est concernant ma guitare ; une guitare construite par mon ami François Perrin. Lorsque j’ai ouvert mon étui, ma guitare avait complètement éclaté! J’avais oublié de baisser la tension des cordes et la table d’harmonie et le fond étaient en mille morceaux. Plus d’instrument!!!

Je suis retourné vivre chez mon père pendant un certain temps (la période pour que je devienne une vedette avait été abandonnée et c’était loin derrière moi). Il fallait que je trouve du travail car l’argent que j’avais gagné en France diminuait au fil du temps. Un ami de mon père qui m’avait vu chanter lors de mon premier séjour à Mexico est venu manger à la maison et me dit qu’il connaît un parolier qui travaille pour la maison d’édition EMI et décide d’organiser une rencontre. Le parolier est Mario Arturo Ramos. Il m’invite à plusieurs reprises chez lui et je fais plusieurs musiques sur ses textes (heureusement il avait une guitare chez lui!). Au bout de 2 semaines, il m’invite à aller avec lui chez EMI afin de mettre sous contrat les chansons que nous avions co-écrit. Nous arrivons à la maison d’édition et Mario Arturo me présente un auteur compositeur interprète avec qui il avait collaboré sur les textes de plusieurs de ses chansons. Il me mentionne qu’il était déjà bien connu du public pour son de style néo-folklorique. C’était Guadalupe Trigo.

Tout en faisant connaissance, il me fait entendre sur place quelques pistes de son dernier 33 tours qui venait de sortir sous le titre « Mis cuatro paredes » avec de superbes arrangements orquestaux de l’arrangeur Mario Patron. Dès la première écoute, je suis emballé par ses chansons et je saisis l’occasion en lui demandant s’il n’avait pas par hasard besoin d’un vihueliste (on parle ici de vihuela, instrument d’accompagnement joué dans les ensembles de mariachis). Bien évidemment, je ne pouvais pas lui demander s’il avait besoin d’un guitariste, étant donné que je n’avais plus de guitare. Ma nécessité de travailler était tellement pressante que j’ai pris une chance en me disant qu’éventuellement je pourrais acheter une vihuela si je suis engagé. Sur ce, Guadalupe accepte et me dit « viens demain manger à la maison! ».

Le lendemain je me rends chez lui. Il habitait à Coyoacán, un merveilleux quartier ; un des plus anciens de la ville de Mexico doté d’une longue historique (c’est dans ce quartier que résidait Frida Kahlo).

Je suis accueilli à bras ouverts, il me présente son épouse Viola, chanteuse et ses enfants. Nous partageons un superbe repas et il me dit, « tu n’as pas apporté ta vihuela pour que l’on puisse jouer ensemble? ». C’est à ce moment là que je n’ai pas eu d’autre choix que de lui avouer  qu’en réalité je n’étais pas vraiment un vihueliste malgré le fait que je savais en jouer mais que j’étais guitariste et je lui raconte ma mésaventure avec ma guitare. Sur ce, il dit j’ai une guitare ici. Il part chercher l’instrument et revient avec une guitare style flamenco de 1955 construite et signée par Gustavo Pimentel.

Nous accordons nos instruments et il me dit on va jouer l’introduction de « Mi ciudad ». La chanson qui l’a fait connaître et dans laquelle il décrit la plupart des caractéristiques de la ville de Mexico. (Cette chanson est devenu aujourd’hui l’hymne par excellence de la capitale mexicaine). Dès qu’il attaque les premières mesures et me montre de quoi il s’agit, je m’adapte aussitôt et les deux guitares sonnent à merveille et de façon naturelle, nous commençons instantanément  à structurer un accompagnement sur sa chanson.

Après quelques heures de musique, il me dit « dès demain, nous commençons à établir un travail d’arrangements pour toutes mes chansons! ». Il avait déjà des contrats de prévus et je fus engagé.
De plus, il m’a dit « Tu peux garder la guitare, je t’en fais cadeau! ». Nous étions heureux ; lui d’avoir trouvé l’âme soeur en guitare et moi d’avoir du travail avec quelqu’un pas comme les autres. C’est comme ça qu’est né « El sonido Trigo (La sonorité Trigo). Une sonorité basée sur nos 2 guitares et unique à cette époque au Mexique.

Afin de compléter le groupe pour les concerts à venir, il fait appel à un excellent bassiste (Victor Ruiz Pasos « El vitillo ») à un autre musicien (Alonso Cámara) qui avait le rôle d’accompagnateur et qui jouait la vihuela et son épouse Viola en tant que vocalise. L’ensemble était constitué!

Je dois faire mention d’une personne extrêmement importante qui nous a beaucoup aidés et guidés. Il s’agit de Juan Helguera, guitariste, compositeur et pédagogue. Il a aiguillé Trigo vers un répertoire plus personnel en lui suggérant d’écrire des chansons avec une thématique basée sur les poètes et des endroits géographiques du Mexique. Au fur et à mesure que Guadalupe Trigo terminait une chanson, lui et moi faisions l’arrangement.

Tout cela aboutit à un une série de concerts sous le titre de  «Lugares y poetas » qui rendait hommage aux poètes suivants: César Vallejo, Nicolàs Guillen, Sor Juana Inés de la Cruz, León Felipe, Pablo Neruda et des endroits tel que: Taxco, México, Coyoacàn et Patzcuaro. Nous partîmes en tournée en donnant des concerts dans les  théâtres des plus grandes villes du Mexique.
Le spectacle avait un grand succès et la compagnie de disques RCA Victor décide d’en faire un 33 tours enregistré en public. 

Après avoir sorti le disque, nous avons voyagé en République dominicaine pour participer à un événement intitulé « 7 Dias con el pueblo » (7 jours avec le peuple) organisé par la Centrale Dominicaine des travailleurs. Les spectacles d’ouverture et de fermeture de l’événement eurent lieu dans le stade olympique de Santo Domingo. 50,000 personnes y assistaient. C’est pendant cet événement que j’ai rencontré pour la première fois Mercedes Sosa. Elle était accompagnée de son mari et je me suis lié d’amitié avec son guitariste Pepete Bertiz, il avait une façon extraordinaire de jouer et ses merveilleux accompagnements sont restés en moi durant toute ma vie. Nous également avons partagé des moments avec Noel Nicola, Silvio Rodriguez, Ana Belen, mon ami Roberto Darvin que je connaissais depuis le Mexique, et beaucoup d’autres artistes.

De la République Dominicaine, nous avons voyagé au Venezuela. Nous nous sommes installés à Caracas. j’habitais sur l’avenue Sabana grande, en plein centre-ville, dans un petit appartement que m’avait recommandé Mercedes Sosa dans lequel elle y avait habité. À l’époque on pouvait marcher tranquillement le long des rues de Caracas jusqu’à tard le soir. Aujourd’hui Caracas est devenue une ville extrèmement dangereuse.

Nous avons effectué quelques émissions de télévision et j’ai eu la chance de connaître Lilia Vera, Ali Primera et Aldemaro Romero ; des artistes très connus de l’époque. Par la suite, nous sommes allés jouer dans l’état d’Apure. Ce fut un grand moment, car j’ai eu la chance de me lier d’amitié avec l’harpiste Ignacio « El indio » Figueredo. Ils nous a invité à passer quelques jours auprès de sa famille dans sa ville San Fernando. C’est à lui que j’ai dédié ma pièce « San Fernando ».

Par la suite, nous sommes retournés au Mexique et effectué une dernière tournée, notamment au Yucatán ; lieu de naissance de Guadalupe Trigo, Alonso Cámara et Juan Helguera. Ce fut pour moi le coup de foudre de connaître cet état du Mexique. Le peuple maya d’une gentillesse hors pair, leurs mœurs coutumes, etc. Bien des années plus tard, j’écrivais la pièce pour 2 guitares « Yucatán ».

Suite à cette tournée, Guadalupe Trigo marque un arrêt de repos. Et ça coïncide avec des propositions de contrats pour retourner jouer en France. Je suis resté à la fin de 1978. Toutefois, j’avais un statut de touriste et je travaillais en effectuant des tournées, faisant des programmes de télévision, etc. Les honoraires étaient le plus souvent versés par chèques. Cela devenait de plus en plus compliqué et dangereux ñ je risquais de me faire prendre à travailler avec un statut de touriste. Il fallait absolument trouver une solution et à mon grand regret quitter la France. 

C’est alors qu’un musicien argentin qui cherche à compléter un ensemble de 4 musiciens me propose d’aller au Canada, (plus exactement au Québéc) afin d’y effectuer une tournée. Il s’agissait d’un contrat avec un statut de résidant permanent, ce qui me permettrait par la suite d’obtenir la nationalité canadienne. Ce fut ma bouée de sauvetage et j’acceptais sans hésiter. Concernant la demande auprès de l’ambassade du Canada pour officialiser nos papiers, l’imprésario m’avait précisé de ne pas mentionner que j’étais guitariste car il y aurait eu des conséquences désastreuses pour obtenir ma résidence permanente. Étant donné qu’au Canada, des guitaristes, il y en avait à la tonne, j’ai dû mentionner que j’étais joueur de flûtes de pan.
Le temps pour les démarches des papiers prirent un bon 4 mois. Ce qui nous permit de structurer un répertoire d’environ 1 heure 30. Le style de musique était du folklore latino-américain avec une pointe jazzistique L’instrumentation était, flûtes andines, contrebasse, batterie et guitare. Finalement, le 6 janvier 1979, j’atterrissais à Montréal. Ce jour-là, quelle ne fut ma surprise… la veille, il était tombé une tempête de neige qui avait déversé 60 cm sur la métropole.

Bien évidemment, de la part de l’ambassade du Canada à Paris,  aucune information ne nous avait été transmise concernant la rudesse de l’hiver. J’étais habillé avec un petit manteau des marines et chaussé de galoches normandes. À l’aéroport nous attendaient l’impresario et 2 personnes avec un camion afin de charger tout le matériel instrumental ainsi que nos bagages. Nous sommes allés à Saint Rémi de Napierville, situé en Montérégie. Le lendemain, la première chose que j’ai fait, c’est d’aller m’acheter des bottes, un manteau d’hiver, gants, écharpe et tuque.

Quelques jours après nous sommes allés à Montréal afin de louer un appartement. Une fois installés chacun dans son logis, nous avons effectué quelques émissions de télévision, et le premier contrat que nous avons eu c’est à la Baie d’Hudson, dans le grand nord québécois. Il s’agissait d’une centrale hydroélectrique qui construisait un barrage deuis 1971. C’était la Société d’énergie de la Baie-James pour le compte d’Hydro-Québec qui nous avait engagé.

Nous avons pris un mini avion de 30 places de la compagnie Quebecair (qui n’existe plus de nos jours). Nous étions les seuls passagers à bord et le petit avion nous bardassait constamment. Le batteur s’évanouit juste avant l’atterrissage. Une ambulance est arrivée et une infirmière s’occupa du musicien qui reprit ses esprits sur place. Au moment, de se réveiller, et la première chose qu’il dit à l’infirmière, c’est  «  Vous n’auriez pas un whisky? ». Nous allions jouer pour les travailleurs de la Centrale. Ils étaient là pour 6 mois et par la suite ils rentraient chez eux dans le sud du Québec et d’autres arrivaient pour les remplacer.

C’était un village doté de baraquements ( dortoirs, cafétérias, boîte de nuit, etc.) Notre dortoir était situé juste en face de la boîte de nuit ou nous allions jouer. Il faisait tellement froid ( le refroidissement éolien était d’au moins 50 degrés sous zéro). Je n’oublierai jamais le moment où nous sommes sortis du dortoir pour traverser vers la boîte de nuit ; nos poils du nez figèrent instantanément!

Après le grand nord, nous retournâmes à Montréal pour l’enregistrement d’un disque. Le producteur était Uriel Luft (ex époux de Ludmila Chiriaeff, directrice des Grands Ballets Canadiens). Nous avons également joué dans des boites de l’époque (Bar Emery, le rising, l’ère du temps,etc.) et dans la vieille ville de Québec au théâtre «Petit Champlain». 

Après avoir terminé l’enregistrement du disque, nous avons effectué une tournée en Abitibi Témiscamingue, Rouyn Noranda, etc. Nous étions en plein printemps et les maringouins foisonnaient de partout. On se faisait piquer de partout. Mais je ne connaissais pas le mouches à chevreuil. On ne les sent pas se poser sur notre peau et nous mordent. Je me suis rendu compte en constatant couler sur mon front un petit filet de sang. Un habitant du coin m’informa sur ces mouches.

Nous continuâmes notre tournée en descendant progressivement vers Montréal en arrêtant à Mont-Laurier, Rimouski, etc.

AU fil du temps, je me suis aperçu qu’après avoir joué dans les principales villes du Québec et les boîtes de Montréal. Il ne restait pas grand choix d’endroits où aller jouer. Nous avons pu obtenir un engagement pour jouer à l’université de Moncton au Nouveau Brunswick. Toutefois, les contrats pour le groupe diminuait. À tel point que chacun des membres du groupe commença à jouer à droite et à gauche afin de faire rentrer les sous. Dès le début, nos prestations à la télévision nous avaient obligé de devenir membres du syndicat des musiciens (La guilde des musiciens). Mais j’ai eu une mauvaise surprise : ayant besoin moi aussi de faire rentrer de l’argent, j’ai accepté un contrat de guitariste pour une soirée dans un groupe. Quelques jours plus tard, je reçois par la poste une convocation de la part du syndicat de musiciens. Lorsque je m’y suis rendu, on m’a remis un contravention pour avoir joué avec des musiciens qui ne faisaient pas partie du syndicat et dans un endroit qui ne payait pas la redevance au syndicat. Le montant de la contravention était égale au salaire que j’avais reçu pour le travail effectué. Il me semble qu’un syndicat est là pour protéger ses membres plutôt que de les pénaliser. Je quittais définitivement le syndicat.

La situation financière devenait de plus en plus précaire. Mais le destin nous envoie toujours des signes et voilà que je reçois un coup de téléphone de Guadalupe Trigo qui me dit qu’il a besoin de moi car il vient d’obtenir un gros contrat du gouvernement mexicain qui consiste à jouer dans tous les états du Mexique. C’était très bien rémunéré. Je suis donc reparti jouer avec Guadalupe Trigo. Je revenais à Montréal chaque fois qu’il avait une pause d’une semaine afin de continuer les démarches pour l’obtention de la citoyenneté canadienne.

C’est la plus belle tournée effectuée au Mexique; elle me permit de connaître encore plus ce merveilleux pays, les habitants de chacun de ses états, leurs mœurs et coutumes. Le contrat dura environ 6 mois et une fois terminé,  je suis retourné au Québec. 

J’ai pu enfin obtenir la nationalité canadienne et j’ai recommencé à jouer avec plusieurs formations. Entre autre, j’ai formé un duo avec un musicien mexicain multi-instrumentiste (Francisco Montes de Oca) et nous a avons joué à Vancouver, Edmonton, République Dominicaine, etc. Notre répertoire était constitué de musiques originales et des pièces tirées du répertoire néo-folklorique latino-américain. Aussi je suis allé jouer en Argentine, au Festival de Cosquin. Ce fut une grande joie d’y rencontrer Eduardo Falu et Cacho Tirao. Dans les loges, Cacho m’a joué son adaptation de « Adios Nonino ». Je fus émerveillé et je lui ai demandé de me donner l’autorisation de reprendre son arrangement afin de pouvoir l’adapter pour 2 guitares. Il accepta et c’est ce que je fis en intégrant l’arrangement au répertoire du duo. Par la suite, je suis allé à Paris pour enregistrer un disque avec le guitariste Jean-Claude Lamoine intitulé « Improvisations modales pour une et deux guitares ». Le contenu était basé sur des improvisations sur des modes et quelques pièces de Lamoine et Juan Helguera. Le disque a été entièrement financé par J.C. Lamoine et fut pressé à un tout petit nombre d’exemplaires.

De retour à Montréal, je reprends  les représentations avec le duo et je fus engagé pour aller Buenos Aires afin d’enregistrer toutes les parties de guitare soliste dans le film « Fierro, l’été des secrets » d’André Mélançon; une coproduction canado-argentine faisant partie de « Contes pour tous » dont le producteur était Roch Demers. J’accompagne Mercedes Sosa qui chante dans le générique de fin du film.

En revenant à Montréal,  une mauvaise surprise m’attendait sur scène ; je jouais en trio au Festival d’art vocal de Trois-Rivières et tout d’un coup, mon auriculaire de la main gauche s’est complètement paralysé… heureusement mon savoir-faire me permit de continuer à jouer en utilisant un doigté différent. Ça m’a donné un peur bleue. Je suis allé voir un médecin et après quelques examens on m’a détecté une arthose aiguë dans les deux mains. C’était la fin de ma carrière de musicien de scène! Je me tourné vers l’enseignement de la guitare. Mais pour ce faire, il m’a fallut obtenir diplômes et reconnaissances. J’entrepris tout d’abord des études à l’Ecole préparatoire de musique de l’UQÀM en solfège et dictée auprès de Jacqueline Ifergan. 

Par la suite, je suis allé à l’Université de Montréal sans toutefois y rester longtemps car je n’aimais pas beaucoup l’ambiance qui régnait au sein de la faculté de musique. Aussi, le programme auquel je m’étais inscrit ne me convenait pas étant trop accès sur la musique classique uniquement. Finalement, je suis allé à l’Université Concordia. Je me suis senti très bien accueilli et j’ai eu l’énorme chance d’avoir comme professeur, le guitariste Gary Schwartz. Un être hors du commun qui m’a beaucoup donné aussi bien en tant qu’être humain que professeur. Bien entendu, toute cette période d’études s’est déroulée sur une période plus longue que prévue et pour cause, il fallait que je continue à exercer mon métier de musicien malgré mon arthrose mais dans des contextes moins demandants au niveau de l’exécution… il fallait bien faire rentrer des sous pour vivre. Mes études étaient donc entrecoupées de voyages. 

La progression des douleurs grandissantes aux deux mains causés par l’arthrose pour laquelle n’y a pas de guérison possible fait en sorte que je dois délaisser le travail de musicien complètement. Entre temps, j’apprends par la famille du Mexique le décès de mon père. Je prends un avion pour me rendre à son chevet, mais j’arrive trop tard. Je reste quelques jours à Mexico et je reviens à Montréal.

Afin de palier à cette fin de carrière de musicien, je me tourne définitivement vers l’enseignement de la guitare. 

Les établissements pédagogiques dans lesquels j’ai enseigné jusqu’en 2017 sont : L’École préparatoire de l’UQÀM au sein de la Faculté de musique (à cette époque Alvaro Pierri enseignait également au même endroit et nous avons développé une belle amitié), Le Collège Marie-de France (c’est dans ce Collège que j’ai revu Jacqueline Ifergan qui y enseignait la musique générale. Nous avons fait quelques projets ensemble, ainsi qu’avec son mari Meir Ifergan qui enseignait l’hébreu, j’accompagnais les chants israélites à la guitare et cela m’a permis de m’imprégner de chats traditionnels juifs). Le Collège de Montréal (j’ai connu Françoise Tardy ; une belle personne qui enseignait le français et avec qui j’ai écrit la musique d’une de ses pièces de théâtre qu’elle avait monté avec ses élèves « Le bourgeois gentilhomme » de Molière.) Le Collège Brébeuf, Le Collège Durocher à Saint Lambert et Le conservatoire de musique de la Montérégie.

Je remercie la vie de m’avoir donné la chance de parcourir de nombreux pays, et grâce aux voyages de parler plusieurs langues, de m’imprégner des leurs traditions et de partager d’inoubliables moments avec tout ce beau monde qui m’a appris à grandir. Tout cela grâce à la musique!

 

 

 

 

Roque Carbajo

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